lun, 26/11/2012 – 20:47 — georges.dubois

castor_remouchamps1. Cohabitation avec le castor en Wallonie.

A l’initiative des Contrats de Rivière de l’Amblève, de l’Attert, de la Haute-Sûre, de la Lesse, de l’Ourthe et de la Semois-Chiers, le colloque organisé par le CRAmblève et la Région Wallonne (DNF / DEMNA) le 6 novembre dernier dans la salle du Vicinal, avec le concours de la commune de Lierneux, a réuni une nombreuse assistance, parmi laquelle se trouvait un bon contingent de forestiers. Il s’agissait de la sixième rencontre entre les acteurs de la rivière, venant des contrats de rivière wallons présents en province du Luxembourg. Les intervenants, quant à eux, étaient issus de milieux scientifiques de la Région, de France, de Suisse et du Grand-Duché de Luxembourg.
Accueillis par J.-P. Bleus (Président du CRAmblève), C. Heinesch (Coordinatrice du CRA) et F. Léonard (1er Echevin à Lierneux), les participants ont eu l’occasion de prendre connaissance de ce qui constitue l’actualité en matière d’un problème assez brûlant : la cohabitation avec le castor. Le petit rongeur sympa (jusqu’à 30 kg et 1,20 m avec la queue toutefois !) ne fait pas toujours l’unanimité : inondation de territoires, dégradation de propriétés et d’ouvrages d’art (ponts, pertuis, …), détournement du lit de rivières, pièges à sédiments pouvant entraîner une incision en aval des cours d’eau par déficit de ces sédiments, etc.
Après sa disparition totale de nos contrées vers le milieu du 19ème siècle, il a été réintroduit frauduleusement, sans le moindre plan de réinsertion donc, à la fin des années 1990.
Vu que l’espèce est protégée, tout comme son habitat d’ailleurs, les propriétaires privés et les gestionnaires de cours d’eau ont dû s’adapter à la présence toujours croissante du castor dans les rivières du sud du sillon Sambre-et-Meuse.
La conjonction de différentes compétences, d’observations multiples et la présentation de réalisations astucieuses « in situ » ont permis à l’assistance de disposer d’une photo assez actuelle de cette problématique, à laquelle s’est ajouté le vécu de pays voisins.
L’aire de répartition du castor va encore évoluer, mais le phénomène semble bien cerné : son mode de vie et de reproduction, tout rongeur qu’il fût, ne promet pas d’inflation galopante. Il est généralement admis que la population va se stabiliser.
Dans ce dossier, la législation et les mentalités devront encore évoluer. Car il est clair que, si de rares personnes sont manifestement lésées, démunies même face à des lois à deux vitesses et tentées de faire obstacle à une espèce reconnue utile pour le milieu, d’autres voudront à tout prix préserver leurs habitudes envers et contre tout.
© G. Dubois

2. Le castor : un animal méconnu !

Et pour cause : depuis sa disparition au 19ème siècle, massacré pour sa fourrure et sa viande principalement, on avait presque oublié qu’il faisait partie intégrante de notre faune.
Le castor (Castor fiber L.) est un mammifère de l’ordre des rongeurs et de la famille des castoridés. Il peut atteindre 1,20 m de long et peser jusqu’à 30 kg, ce qui en fait le plus grand rongeur d’Europe. Il est principalement nocturne, ne voit bien qu’à courte distance mais possède une très bonne ouïe et un bon odorat.
C’est une espèce semi-aquatique. Les rivières lui servent de refuge et facilitent sa mobilité. Il reste en général de 2 à 5 minutes sous l’eau mais est capable d’y séjourner jusqu’à un quart d’heure en cas de danger. Sur la terre, sa locomotion est plus difficile et plus lente. C’est pourquoi il n’opère au maximum qu’à une trentaine de mètres de la rive. Ses activités principales sont exercées dans les environs immédiats de la berge, où il trouve 90% de sa nourriture. A ce sujet, il faut rétablir la vérité : le castor est exclusivement herbivore. Il ne mange pas de poisson, contrairement à des bruits fantaisistes qui circulent. Il consomme notamment des écorces d’arbres tendres (saules, peupliers, …), jusqu’à 700g en hiver. Outre les herbacées, les feuillages et les plantes aquatiques, il peut rendre visite aux potagers, aux champs de céréales ou de maïs qui se trouveraient dans son rayon d’action.
Ses membres postérieurs sont palmés, ses membres antérieurs ressemblent à des mains et sont préhensiles. Sa queue est aplatie horizontalement. Elle lui sert de balancier et d’appui en station debout ; de propulseur et de gouvernail dans l’eau ; de système d’alarme et de réserve énergétique.
Il nage le dos complètement immergé. L’animal possède 16 molaires et prémolaires ainsi que 4 puissantes incisives très affûtées, de couleur orange, à croissance continue.
Castor fiber construit son abri sous le niveau du sol. L’entrée de son terrier se situe cependant dans l’eau. Il recouvre le tout en entassant divers matériaux.
Il ne supporte pas la concurrence, défend son territoire de façon agressive et le délimite par un marquage odorant de castoréum. La cellule familiale est composée des parents, des jeunes de l’année (2 à 3, appelés castorins) et des jeunes de l’année précédente (1 à 2, les subadultes). Ces derniers sont expulsés du logis à l’âge de 2 ans et contraints de partir à la recherche de nouveaux sites.
Le rongeur atteint sa maturité sexuelle à l’âge de 2 ans, d’où son expulsion, et peut espérer vivre jusqu’à 8 ans, voire plus longtemps. Le risque de surpopulation ne semble pas menacer, on tendrait plutôt à une certaine stabilisation de l’espèce, selon certains spécialistes.
Les cours d’eau calme (en pente très légère), de 60 cm de profondeur minimum, lui permettant de s’immerger, bordés de végétation dense, recueillent ses suffrages. S’il préfère des eaux de qualité, il n’est pas trop regardant pourvu que la nourriture soit abondante dans son proche environnement. Persévérant, il reconstruit avec application les digues endommagées, volontairement ou pas, mais il lui arrive d’abandonner son site (rupture, destruction, assèchement). En Wallonie, la population des castors est estimée actuellement à plus de 1.000 individus, répartis sur 250 sites environ.

3. Exemples de cohabitation avec l’Homme.

En ce qui concerne la cohabitation entre le citoyen et l’animal, la législation et les mentalités devront encore évoluer pour tendre à une meilleure harmonie. Il serait opportun que les cas fussent abordés individuellement, car il est clair que certaines personnes sont manifestement lésées. On peut aisément s’accorder sur la nécessité de protéger les espèces, mais il serait bon en même temps que des mesures soient prises pour que les « protecteurs » (Europe et pouvoirs publics) indemnisent correctement ceux qui doivent subir des dégradations significatives dues aux castors.
Nous en voulons pour preuve le cas malheureusement exemplaire de M. P. Gillet (Luxembourg belge). Il va à l’opposé de l’objectif auquel tendent les autorités, qui est de confiner le rongeur dans des zones où sa présence ne devrait en principe pas poser de problème. L’aménagement de ces sites peut les rendre attractifs aux animaux en quête d’un territoire, en les détournant des cultures, des plantations et des propriétés privées, en créant en même temps un biotope favorable à d’autres espèces. La plantation d’arbres à bois tendre (saule, peuplier, etc) et la présence de strates arborée et herbacée contribuent à la facilitation de l’installation de l’espèce.
Venons-en au fait. Après avoir acquis une propriété qu’il avait remise en état, traversée sur environ 1 km par un ruisseau, M. Gillet a dû composer avec l’arrivée soudaine des rongeurs à queue plate, qui n’ont pas tardé à remettre les lieux dans leur état initial, au grand dam de l’intéressé ! Le propriétaire a dénombré 11 barrages sur moins de 1 km et dû constater la destruction d’étangs et l’abattage d’arbres, sans qu’une aide quelconque lui fût accordée. Selon M. Gillet, les castors avaient construit une digue de 70 m de long et 2,50 m de haut en 10 mois !
Comme il se doit, le propriétaire a voulu protéger son patrimoine. Pendant 8 années, pratiquement tous les week-ends, il s’est évertué à poser des grillages et protections divers, à placer des fils électriques à des endroits névralgiques, qui ont fini par décourager les castors. Tout cela à ses frais !
M. Gillet vient de vendre sa propriété, lassé sans doute par les corvées qui lui étaient imposées et aussi, selon ses dires, parce qu’il prend de l’âge. Paradoxalement, l’acquéreur est une société commerciale qui, elle, bénéficiera d’une intervention des autorités responsables de la gestion du problème ! Quand on vous disait que la législation doit évoluer !
De très nombreux autres cas ont connu des solutions satisfaisantes par la mise en œuvre de différentes compétences. Sur la Holzwarche à Wirtzfeld par exemple (commune de Büllingen) ou encore sur le ruisseau Emmels, à Born.
La pose de tuyaux pour faciliter un meilleur écoulement des eaux ; de cages grillagées, de clôtures métalliques avec rabat ; de clôtures électriques ; de barrières ou cylindres grillagés ; l’enrochement pour prévenir la rupture des digues d’étangs ; la protection des arbres sur une hauteur d’1,20 m minimum grâce à des treillis à mailles serrées ou encore le badigeonnage des troncs au moyen de mélanges constitués de lait de chaux et d’huile de lin par exemple, sont de nature à prévenir les actions dévastatrices des castors.

4. Conclusions.

Les problèmes majeurs resteront ceux causés aux berges et aux propriétés privées. La législation devra évoluer en tenant mieux compte des intérêts des particuliers, sachant toutefois que l’animal est protégé. Les intéressés se doivent de réagir le plus tôt possible pour éviter l’extension des dégâts … donc des frais et pour trouver des solutions satisfaisantes en cas de nuisances dues aux castors. A toutes fins utiles, le DNF (Département de la Nature et des Forêts) de leur région est à leur disposition si la situation est complexe et qu’aucun moyen préventif ne peut être mis en place par leurs soins. Ils peuvent aussi s’adresser au Contrat de Rivière de leur bassin hydrographique. Ses représentants parcourent les cours d’eau, informent leurs partenaires, disposent d’un banque de données actualisée régulièrement et jouent un rôle de concertation très important entre les différents acteurs pour préserver au mieux l’intérêt de tous (pour l’Amblève, mail : crambleve@gmail.com; site :